Douloureuse réalité
Genre : Romance interdite/relation élève professeur/révélations
Époque : Courant 2985
Protagonistes : Tristan et Alice
Contexte : Alice a rendez-vous avec Tristan à qui elle doit faire relire l'un de ses travaux de mémoire. En arrivant à son bureau un peu en avance, la porte est close et deux enfants attendent devant la porte, recroquevillés l'un contre l'autre, visiblement au bord des larmes.
Alice, bien que peu attirée par les enfants, ne peut pas les ignorer et se doutant qu'ils soient les enfants d'un professeur de la fac, leur montre de l'intérêt pour les divertir, le temps que leurs parents reviennent.
Très vite, son charme opère et les enfants se montrent très démonstratifs envers elle, touchés par sa gentillesse et sa douceur naturelle...
– Alice ! Tu as des parents toi aussi ?
La jeune fille se mit à rire tout en délogeant le petit garçon qui avait commencé à lui grimper sur les épaules. Un vrai petit singe.
– Bien sûr, tout le monde a des parents.
– Eux aussi ils se disputent ?
– Évidemment, c'est normal de se disputer avec les gens qu'on aime, même si ça peut sembler bizarre... tous les papa et maman se disputent parfois.
Le petit garçon s'était à présent assis tout contre elle, et se tenait recroquevillé contre sa hanche.
– Nous nos parents c'est tout le temps. Et ils s'aiment plus, ils vivent même plus ensemble ; mais à chaque fois qu'ils se voient c'est pour se crier dessus. Comme maintenant...
L'autre gamine, bien plus calme, s'était blottie sur ses genoux et ne disait rien, mais Alice senti son étreinte se refermer davantage en entendant les derniers mots de son frère.
Elle eut de la peine pour ces deux enfants, déchirés par le divorce de leurs parents.
– Oh... mais vous savez, vos parents vous aiment. Très très fort...
En disant cela, elle passa ses bras autour d'eux et resserra son étreinte.
– ... Même s'ils se crient dessus, vous ils vous aimeront toujours. C'est très désagréable comme sensation, personne n'aime quand ses parents se disputent, mais il faut bien que vous compreniez que ça n'a rien à voir avec vous, ce sont des histoires d'adultes. C'est entre eux tout ça.
Elle n'en menait pas large. La psychologie n'était pas un domaine dans lequel elle brillait particulièrement, alors avec des enfants...
Il y eut un silence durant lequel tout le monde paraissait réfléchir. Étrangement, Alice sentait les enfants légèrement plus détendus qu'avant. Miracle ou illusion ?
– Tu fais quoi ici au fait ? demanda le petit garçon d'une voix plus claire.
La curiosité du gamin avait détendu l'atmosphère. Alice respira. Ce terrain là de discussion serait moins délicat.
– J'attends un de mes professeurs, répondit-elle, j'avais des devoirs à faire.
La petite fille sur ses genoux se redressa soudainement.
– Ton professeur c'est notre papa ? s'enquit-elle.
Alice se mit à rire.
– Oh non, je ne crois pas !
– C'est qui alors ? Il est dans quel bureau ?
Elle s'était mise à scruter toutes les portes de bureau de l'étage, comme pour sonder lequel abritait le mystérieux professeur de cette jolie jeune fille si gentille.
– Celui-là.
D'un geste du menton, Alice lui avait désigné le bureau de Tristan.
L'enfant écarquilla ses beaux yeux bruns.
– Mais... c'est le bureau de papa ! s'écria-t-elle.
Le cœur d'Alice manqua un battement.
– Il partage son bureau avec un de ses collègues, comment s'appelle-t-il, votre papa ? demanda-t-elle.
– Tristan.
Elle crut que son cœur venait de s'arrêter de battre. Comment ? Pourquoi ? Tristan... des enfants ? Vu leur âge, ils existaient déjà depuis longtemps lorsque Tristan et elle avaient failli s'embrasser dans cette fameuse salle de classe, après le cours... Ce jour où il lui avait avoué son attirance, quand ils avaient longuement discuté de ce qu'il y avait de mieux à faire, et même après, au moment douloureux de la séparation... pas un seul instant, il n'avait évoqué sa famille.
Alice se senti complètement idiote. Il avait près de quarante ans et elle n'était qu'une jeune écervelée tout juste en dernière année de fac ! Bien sûr qu'il avait fait sa vie depuis longtemps, pas étonnant qu'il lui ai conseillé de faire la sienne et de l'oublier ! Si ça se trouve, il n'en avait jamais rien eu à faire d'elle, il venait de divorcer et cherchait à se consoler d'une manière ou d'une autre ! Et puis quoi de mieux pour l'ego qu'une jeune étudiante naïve tombée dans ses filets ?
Il lui avait dit qu'il l'attendrait, qu'il serait là si dans dix ans elle penserait toujours à lui, et comme une idiote, elle avait accepté ce rendez-vous d'une décennie plus tard, ce fameux jour où ils feraient chacun le point sur la vie et se diraient quelle place il restait encore pour l'autre dans la leur.
Quelle naïveté ! Comment avait-elle pu croire à quelque chose d'aussi grotesque ? Elle se serait volontiers giflée !
– Ça va Alice ?
La jeune femme se força à reprendre ses esprits. Pour ces enfants, qui n'y pouvaient rien. Après tout, eux aussi souffraient à cause de leur père, d'une certaine façon. Elle rassembla tous ses efforts pour ne pas laisser transparaître son cœur brisé et sa confiance bafouée.
Elle adressa un sourire réconfortant aux deux jeunes enfants qui la fixaient d'un air inquiet. Comment n'avait-elle pas vu plus tôt la ressemblance avec leur père ? Ou peut-être ne voulait-elle pas la voir ?
– Oui ça va, leur répondît-elle d'une voix douce.
– Tu es toute blanche...
Au même moment, la porte du bureau de Tristan s'ouvrit en grand, brisant instantanément le calme ambiant.
– Tu as eu la garde des enfants en semaine parce que ton boulot te permettaient de t'en occuper autant que possible ! hurlait une femme, et c'est à moi de faire des pieds et des mains pour les récupérer ! J'en ai marre !
– Tu crois que je vais t'attendre à la maison en me tournant les pouces ? criait Tristan, ils sont tout aussi bien ici, arrête de faire ta mère parfaite ! Ce sont aussi mes gosses, et ça ne change rien pour toi que tu les récupères chez moi ou bien à la fac !
– Tu m'emmerdes !
La femme tourna brusquement le dos à son ex-mari et apostropha ses enfants.
– On y va !
Aussitôt, les deux petits bondirent des genoux d'Alice pour se précipiter vers leur mère. Ça sentait le roussit et mieux valait obéir sagement.
La femme jeta un bref regard à Alice, perplexe. Comprenant qu'elle s'était visiblement occupée de ses enfants pendant que leur père et elle réglaient leurs compte, l'ex-femme de Tristan se tourna vers ses eux.
– Dites au revoir à la jeune femme, et Merci !
– Au revoir, Alice ! s'écrièrent-ils aussitôt en agitant leurs petites mains, et merci Alice !
L'intéressée, qui entre temps s'était levée de la chaise sur laquelle elle avait tenu les deux petits, les gratifia en retour d'un grand sourire et d'un signe de la main.
Leur mère lui adressa quant à elle un bref signe de tête avant de filer avec sa progéniture aussi vite qu'elle était apparue.
Le silence reprit aussitôt sa place, assourdissant.
Alice fixait la porte par laquelle la petite famille venait de sortir, abasourdie. Elle tentait de faire de l'ordre dans le fouillis que leur passage éclair avait créé dans son esprit.
Tristan, lui, se tenait près de la porte de son bureau, mal à l'aise. Il osa enfin se racler la gorge pour tenter d'attirer l'attention de son élève, mais en vain.
– Alice... commença-t-il.
Brusquement, la jeune fille s'ébroua, comme réveillée en sursaut. Elle se tourna vers lui, la mâchoire serrée.
– Monsieur ! le coupa-t-elle, vos enfants sont vraiment adorables. Mais trêve de bavardages, nous avions rendez-vous il me semble !
Tristan observa Alice, confus. Il n'était pas habitué à un ton aussi sec de sa part.
– Bien sûr, murmura-t-il, allons dans mon bureau.
La jeune femme s'exécuta d'une démarche raide. À peine Tristan avait-il fermé la porte qu'elle attaqua.
– J'ai rédigé au propre tout mon travail pour mon mémoire. Je l'ai imprimé pour que vous le relisiez et je n'ai aucune question.
Elle avait parlé d'une voix tranchante, sans appel, tout en sortant un paquet de feuilles imprimées de son sac.
Tristan senti son cœur se serrer. Il voyait bien qu'elle souffrait, il ne le voyait que trop bien. Et il savait pertinemment qu'il en était la cause, qu'il avait fait une connerie... Ce n'était pas comme ça qu'elle devait apprendre qu'il avait des enfants. Ni qu'il avait été marié.
D'instinct, il esquissa un geste dans sa direction ; mais Alice leva brusquement le dossier qu'elle tenait, comme un barrage entre eux.
L'une des feuille entailla légèrement la main de Tristan au passage, mais ce n'était rien comparé à celle qu'il portait au cœur...
L'étudiante le fusillait du regard et il le ressentait dans son âme, comme de véritables blessures par balles.
Droite comme un i et sans le lâcher des yeux, Alice jeta brusquement son paquet de feuille sur le bureau de son professeur d'un revers de main.
– Je vous laisse ça là. Au revoir.
Puis, sans lui laisser le temps d'en placer une, elle le contourna et sorti du bureau en claquant la porte.
Le temps de réaliser, Tristan voulu s'élancer à sa poursuite, mais Alice avait déjà disparu.
Il se prît la tête entre ses mains, au bord du désespoir. Pourquoi tout allait mal comme ça dans sa vie ?
Eh merde ! De rage, son poing s'abattit violemment contre son bureau, à en faire trembler les murs.
Il fallait qu'il se calme.
Tristan s'écroula sur sa chaise. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.
Son regard se posa sur le travail d'Alice. Les notes qu'elle avait jetées sur son bureau avant de s'enfuir, blessée. Par sa faute.
C'en était trop. Il enfoui son visage dans ses mains et se mit à pleurer.
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