Souvenirs enfouis
Genre : Drame/Tranche de vie
Époque : Été 3005
Protagonistes : Pauline et Gabrielle
Note : J'ai retrouvé des textes que j'avais écrit il y a quelques années ^^ celui-là, c'était pendant une pause lorsque j'effectuais mon stage de M1, en 2017. Hope you enjoy ! ^^
⚠️ TW : mort. Cet extrait peut être légèrement glauque, âmes sensibles s'abstenir ⚠️
Pauline poussa la porte coulissante de la terrasse. Un flot de lumière ambré jaillit dans la pièce, accrochant au passage quelques unes de ses mèches flamboyantes. Elle plissa les yeux et fit quelques pas sur le dallage encore tiède.
Le paysage était à couper le souffle. De ce point du navire, les montagnes verdoyantes de la côte se perdaient dans l'infini entre l'océan et le ciel. Un véritable paradis préservé des hommes.
L'adolescente s'avança encore, jusqu'à s'approcher du bassin qui bordait le petit plateau. De là, la plate-forme se trouvait à découvert, seulement protégée par quelques plantes tropicales. On ne distinguait pas non plus les délimitations de la piscine, comme si un peu d'eau cristalline était remontée de l'océan pour former un luxueux petit point d'eau.
Pauline s'assit au bord de l'eau et ramena ses jambes contre sa poitrine. Le menton posé sur ses genoux, elle resta ainsi un long moment, à observer le ciel se teinter de rosé et sentir les rayons du soleil s'adoucir contre sa peau.
Le paysage bucolique ne parvint pas à la détendre, cette fois. Cet isolement dépaysant lui avait toujours été bénéfique mais en cet instant, le mal être refusait de la quitter. Il s'accrochait de son mieux, avec une volonté qui n'était pas sans lui rappeler la sienne.
Agacée, la rouquine finit par plonger les deux pieds dans l'eau, avant de se laisser glisser toute entière dans le liquide translucide. Ne pas mettre la tête sous l'eau. Ne pas couler. Gabrielle l'avait suffisamment mise en garde contre la noyade et elle savait qu'il n'y avait rien de plus facile que de se laisser mourir ainsi. Elle en avait été témoin.
Gabrielle l'avait emenée en ville, ce jour-là. Une journée ensoleillée et insouciante. Loin de la terreur maternelle. En rentrant, elles étaient passée par un petit pont en bois, un endroit qu'elle affectionnaient particulièrement toutes les deux. Des collégiens venaient se jeter dans la rivière en contrebas, après les cours. La baignade n'y était pas interdite.
Il n'y avait pas un chat en ce début d'après-midi. Pourtant, arrivées au milieu du pont, Pauline s'était arrêtée net. Elle venait de ressentir un vague de quiétude qu'elle n'oublierait jamais. Comme une libération.
– Il y a quelqu'un dans l'eau, avait-elle annoncé à sa soeur.
Gabrielle s'était penchée au-dessus du garde-fou, puis avait passé de longues minutes à scruter les eaux avant de retenir un cri d'effroi.
– Reste là.
Pauline avait vu son aînée plonger toute habillée et nager en direction des bulles remontées à la surface. Quelques secondes plus tard, elle ressortait de la rivière, le corps d'un jeune homme dans les bras. Il devait avoir le même âge qu'elle. Gabrielle l'avait aussitôt tiré sur la berge et tout tenté pour le sauver, en vain.
Depuis le pont, Pauline avait observé la scène sans en perdre une miette. Elle n'avait pas bougé, les mains pleines d'échardes à force de serrer les suspentes dans le creux de ses paumes. Elle avait observé sa soeur s'acharner à sauver un mort. Elle n'avait pas trouvé la force de lui dire qu'il était déjà trop tard. Pas eu le coeur de lui annoncer que toute vie avait quitté ce corps au moment où son dernier souffle avait atteint la surface sous forme de bulle.
Plus tard, elle avait néanmoins trouvé le courage de lui dire qu'il n'avait pas souffert.
– Il est mort heureux le monsieur, tu sais. Il était paisible. Plus heureux que tous les autres adultes.
Pauline se souvenait de l'expression effarée de sa soeur lorsqu'elle avait prononcé ces mots. Dès lors, cette dernière n'avait eu de cesse de la mettre en garde contre tout un tas de façon de mourir. Pour la première fois de sa courte existence, Pauline avait ressenti la terreur de Gabrielle.
Elle n'avait que cinq ans, à cette époque. Elle s'en souviendrait toute sa vie.
Texte suivant : Extrait de mémoire
Ajouter un commentaire